par Mélodie Jaillette

L'histoire de mon arrière grand-père René,
d'après les confidences de son fils Jacques, mon grand-père maternel

 


 


René enfant

 

Pour commencer, où et quand est né mon arrière grand-père ?

Mon père, René Renollaud, est né à Saintes, en Charente Maritime, le 10 septembre 1902.

 

 

Et qui étaient ses parents ?

Son père, Jean-Marie Célestin, né à Niort, était militaire. Il est malheureusement mort en Allemagne en 1920, après avoir été gazé dans les tranchées pendant la première guerre mondiale. Son courage au combat lui a cependant valu de recevoir la Légion d'honneur juste avant sa mort.

 

 


Jean-Marie Célestin Renollaud

 


Maria Renollaud

 

 

René était donc très jeune lorsque son père est décédé ?

Oui en effet. A 18 ans il était orphelin de père et soutien de famille. Je n'ai donc pas connu mon grand-père.

Pourquoi était-il soutien de famille ?

Etant l'aîné de la famille, il devait aider sa mère dans les tâches quotidiennes, s'occuper de ses trois jeunes frères et soeurs, dont un bébé né après la mort de leur père, et subvenir financièrement aux besoins de toute la famille.

 

Est-ce que mon arrière grand-père a malgré tout fait des études ?

Oui, après avoir obtenu son baccalauréat, il a travaillé comme surveillant au lycée de Saintes tout en suivant par correspondance les cours de l'Ecole Nationale des Travaux Publics de l'Etat.

Puis, ayant obtenu son diplôme, il est devenu ingénieur TPE, c'est-à-dire qu'il s'occupait des grands travaux et de l'entretien des aménagements publics. Ces aménagements peuvent être des routes, autoroutes, ponts, tunnels, des équipements collectifs, des ports, des aéroports, des voies navigables, des bâtiments publics, des réseaux d’assainissement... Lui s'est tout de suite spécialisé dans le domaine maritime.

Mais quand a-t-il rencontré mon arrière grand-mère, Louise Morlier ?

A vrai dire, je ne sais pas exactement. Mais je sais qu'il l'a épousée le 10 août 1925 à Saint-Jean d'Angély, où je suis né un an plus tard. Nous y sommes restés jusqu'à fin 1927, avant de partir pour le Sénégal.

 

René et Louise Renollaud

 


Carte de la Tunisie

 

Qu'a-t-il fait au Sénégal ?

Il était ingénieur TPE comme en France, mais il était surtout responsable des travaux et de l'entretien du port de Saint-Louis. C'est là qu'est née ma première petite soeur, Jacqueline, en 1928. La famille est ensuite partie deux ans plus tard pour la Tunisie.

Toujours pour s'occuper d'installations portuaires ?

Oui, d'abord au port de Tunis pendant deux ans. Nous avons vécu à Tunis pendant un an, puis à Saint Germain. Ensuite ton arrière grand-père a été muté à Sfax, dans le sud de la Tunisie. Pendant 5 ans, il s'est occupé du service maritime de la région de Sfax.

Il y a fait plusieurs grandes réalisations : deux autres petites soeurs, Marie-Claude en 1933 puis Colette en 1935, et le phare de l'île de Djerba en 1935.

 

Quand êtes-vous rentrés en France ?

Après le décès prématuré de Colette en 1936. Mon père a été nommé à Noirmoutier pour s'occuper des îles d'Yeu et de Noirmoutier, en attendant un départ pour la Nouvelle Calédonie, qui n'a jamais eu lieu.

 

 


Le phare de Djerba


Vers 1926 - 1927

 

 

Que s'est-il passé ?

La seconde guerre mondiale a bouleversé ses projets. L'ingénieur des Ponts et Chaussées des Sables d'Olonne étant parti au front, mon père l'a remplacé.

C'est ainsi qu'il est lui-même devenu ingénieur des Ponts et Chaussées, alors qu'il n'en avait pas la qualification. C'était à titre provisoire, mais il le restera jusqu'à sa retraite et le diplôme lui sera accordé en validation de son expérience, fait tout à fait exceptionnel dans ce domaine.

 

Pourquoi n'a-t-il lui-même pas été mobilisé ?

Mon père n'a pas fait la guerre de 39-45.

Orphelin de guerre et soutien de famille, il en était dispensé. Il avait en effet à charge un frère encore mineur, une épouse et trois jeunes enfants, auxquels s'ajouteront deux petites soeurs nées pendant la guerre, Marie-Annick en 1941, puis Marie-Françoise en 1945.

 

 

 


René Renollaud avec ses filles Jacqueline,
Marie-Annick et Marie-Françoise

 


Plan des Sables d'Olonne avec emplacement des mines


A gauche, l'écluse détruite et la drague coulée.
A droite, la petite jetée détruite.

 

 

Quel était son travail en tant qu'ingénieur des ponts et chaussées ?

C'est une responsabilité plus importante. Aux Sables d'Olonne, en tant qu'ingénieur d'arrondissement il était responsable des travaux d'Etat de tout le département de la Vendée. En particulier, il a participé à l'électrification de toute la Vendée et a également sauvé les optiques des phares des deux jetées des Sables d'Olonne sous l'occupation allemande.

Et sais-tu qu'il a également sauvé notre ville de la destruction ? En effet, en 1944 juste avant de repartir, les soldats allemands avaient placé des mines dans la tour d'Arundel, sur les quais du port, sur l'écluse et les deux jetées. Ils devaient les faire exploser à leur départ, détruisant ainsi la majeure partie de la ville. La dune sur laquelle la ville est construite n'aurait pas résisté à l'effondrement du port, entraînant avec elle l'ensemble des constructions.

 

Comment a-t-il réussi cet exploit ?

En fait il n'était pas tout seul. Avec le sous-préfet et le maire, il est allé expliquer au commandant allemand, argumentation technique à l'appui, que les Sables d'Olonne et la Tour d'Arundel n'avaient strictement aucun intérêt ni vocation militaires, et que la ville n'était qu'une station balnéaire dont la destruction n'avait pas de sens.

Les allemands ont alors abandonné leurs projets concernant le port, la grande jetée, la tour d'Arundel, sauvant ainsi la ville et ses habitants. Seuls la petite jetée, l'écluse et la drague accostée dans le bassin à flot ont été détruits.

 



Extrait de l'histoire de La Chaume par A. Doré
"La Chaume à travers les Ages"


A Noirmoutier

 

 

Qu'a-t-il fait après la guerre ?

Il est resté à ce poste jusqu'à sa retraite en 1967. S'occupant de réalisations aussi variées que par exemple les liaisons par bateaux-navettes entre l'île d'Yeu et le continent, ou encore les travaux d'asséchement des marais vendéens, destinés à assainir ces terres et à les rendre cultivables. Cette variété se retrouve d'ailleurs dans les différentes distinctions qui lui seront remises.

Tu veux parler des décorations qu'il a reçues ?

En fait, il peut sembler surprenant de cumuler les nominations dans les ordres du mérite maritime, agricole ou encore postal, ainsi que dans l'ordre national du mérite et celui de la légion d'honneur...

 

Ordre de la Legion d'Honneur
Ordre Légion d'Honneur

Ordre du Merite
Ordre Merite Postal


Ordre National du Mérite

 


Ordre du Mérite Agricole


Ordre du Mérite Maritime

 

L'ordre de la Légion d'Honneur, créé en mai 1802, a pour objectif de récompenser "les services et les vertus " (art. Ier du décret), des militaires mais également des civils, issus de milieux sociaux et économiques différents. Le Corps des Ponts et Chaussées a de tous temps été particulièrement distingué, l'Empereur souhaitant récompenser ainsi largement la très lourde tâche de travaux publics entreprise à travers tout l'Empire.

L'ordre National du Mérite est destiné à « récompenser les mérites distingués acquis soit dans une fonction publique, civile ou militaire, soit dans l'exercice d'une activité privée ». Il a également pour objet, depuis 1964, de simplifier et clarifier le système des décorations françaises, en supprimant nombre d'entre elles, dont le Mérite Postal.

 

Pourquoi a-t-il reçu toutes ces distinctions ?

Il a reçu les ordres du mérite maritime et agricole ainsi que la légion d’honneur pour sa carrière et les grandes réalisations qu’il a faites en tant que haut fonctionnaire de l'Etat dans les Ponts et Chaussées.

Quant à l’ordre du mérite postal, il l’a obtenu grâce à son action de vice-président de la Fédération Française de Philatélie. Avec la mer, une autre de ses passions... qu'il a transmise à son fils !

 

 


En 1975. Un retraité heureux dans son élément...
au bord de la mer.


     

Sources :

Photos famille Renollaud- collections privées Jacques et Sophie Renollaud

Images et plan de ville août 1944 - Recueil de cartes postales anciennes des Sables d'Olonne

Article sur le sauvetage de la Tour d'Arundel - Histoire de La Chaume par A. Doré
"La Chaume à travers les Ages"

Iconographie médailles :
Site de la Grande Chancellerie de la Légion d'Honneur - www.legiondhonneur.fr
Site "les décorations françaises" - http://membres.lycos.fr/aquafun/index.htm
Fédération nationale du mérite maritime - www.fednat-meritemaritime.com